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La chronique littéraire de Frédéric Thiriez : "Sarah, Suzanne et l'écrivain", d'Eric Reinhardt

Dernière mise à jour : 17 nov. 2023

Parue dans Le Nouvel Économiste



En finale du Goncourt

'Sarah, Susanne et l'écrivain', d'Éric Reinhardt Toute ressemblance avec un personnage réel…

En toute subjectivité, par Frédéric Thiriez









Il fallait tenter l’exercice, au risque de friser l’artifice : raconter une histoire à travers le dialogue entre l’écrivain et le personnage réel dont il s’inspire. Mais le résultat est là et il est brillant. ‘Sarah’ figure d’ailleurs parmi les quatre finalistes pour le prix Goncourt.

Sarah, une femme de 45 ans persécutée par son mari contacte via Facebook un écrivain qu’elle admire : “J’ai lu vos deux derniers romans. Je vis une histoire douloureuse et silencieuse qui me donne l’impression d’être dans un de vos livres…”. Piqué au vif, l’écrivain lui demande de raconter. Ils correspondent par mail pendant plusieurs mois, puis se rencontrent, l’écrivain souhaitant discuter avec Sarah du livre qu’il veut écrire à partir de son témoignage. C’est ici que commence le récit d’Éric Reinhardt. Il s’achève à la fin de l’entretien, qui aura duré visiblement quelques bonnes heures.

Même si Sarah et l’héroïne du roman sont des femmes de 45 ans, mariées avec deux enfants, l’écrivain s’est engagé vis-à-vis de Sarah à modifier les prénoms et les lieux. De son côté, Sarah a accepté que le roman s’écarte parfois de sa propre histoire : “C’est vous l’écrivain, pas moi”. Ce sont donc deux fils que déroule en parallèle Éric Reinhardt, celui de Sarah et celui de Susanne. L’auteur en joue souvent pour dérouter le lecteur qui se demande si, à cet instant, il est question de Sarah ou de Susanne.


“Sarah contacte un écrivain qu’elle admire : "Je vis une histoire douloureuse et silencieuse qui me donne l’impression d’être dans un de vos livres…”


Sarah-Susanne est mariée depuis vingt ans et mène une vie de couple plutôt heureuse, du moins confortable. Il y a bien eu une petite alerte lorsqu’elle a dû être opérée d’un cancer du sein et que son mari s’est révélé étrangement absent. Mais elle est passée là-dessus. En revanche, elle constate que son mari, le soir, passe de plus en plus de temps dans la cave qu’il s’est aménagée au sous-sol, soi-disant pour écouter de la musique, en réalité pour boire du whisky et fumer des joints jusqu’à minuit. Surtout, elle tousse sérieusement lorsqu’elle réalise, par hasard, que son mari possède 75 pour cent de leur maison commune et elle 25 pour cent seulement. Pourquoi cette injustice, alors que c’est elle qui subvient aux besoins quotidiens de la famille ? Le mari “joue la montre” sur les deux reproches. Encouragée par une amie bienveillante, l’épouse tente la technique de l’électrochoc. Elle lui annonce qu’elle quitte le domicile conjugal – provisoirement – afin qu’il réfléchisse. Elle était alors certaine qu’il ferait amende honorable et la supplierait de revenir. Hélas, rien de tel. Le mari ne la reverra que pour lui faire signer un divorce par consentement mutuel, sous la menace de ne plus voir ses enfants. Commence alors la lente dégringolade, matérielle et morale, de Sarah-Susanne, jusqu’au fond de l’abîme.


Le roman, servi par la belle écriture d’Éric Reinhardt, scanne les sentiments des personnages, s’attarde sur des descriptions déroutantes (le tableau du XIXe de Susanne, la cahute crânienne de Sarah) et nous réserve des surprises jusqu’à son épilogue.



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