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La chronique littéraire de Frédéric Thiriez : "Papi Mariole", de Benoît Philippon

Parue sur le site Le nouvel Économiste



Humour et suspense

Un ancien tueur à gages atteint d’Alzheimer et une jeune femme abîmée par la vie s’associent pour régler ensemble leurs comptes








En toute subjectivité, par Frédéric Thiriez

 















Au départ, une rencontre aussi improbable que facétieuse entre un septuagénaire, ancien tueur à gages échappé de son Ehpad, et une jeune femme brisée par un amant de passage sévissant sur les sites de rencontre. Cette fine équipe va se lancer dans une enquête digne des ‘Experts : Miami’ – en l’espèce des “Experts : Eure et Loir” – à la fois pour venger la jeune femme et pour exécuter le dernier contrat que le vieillard, atteint d’Alzheimer, a complètement oublié.

 

Mariole et Madame Chonchon

Mariole, 77 ans, en peignoir et chaussons, erre à proximité du périphérique : “Bon sang de bonsoir, mais qu’est-ce que je fous là ?”. Il ressemble un peu à Jean Rochefort et s’exprime en termes choisis. Les secours le conduisent à l’hôpital, qui le ramène à son Ehpad. Il s’enfuit à nouveau car il est convaincu d’avoir oublié d’exécuter son dernier contrat, ce qui, pour un professionnel réputé comme lui, ne fait pas sérieux. Mais impossible de se souvenir de la cible… Parvenu à son ancien domicile, il apprend par la concierge qu’il a quitté son appartement deux ans plus tôt et qu’il a confié son animal de compagnie et sa voiture à un boucher-charcutier de la rue de Belleville, jusqu’à son retour de résidence médicalisée. Le commerçant lui rend le tout, étant précisé que l’animal en question est un magnifique cochon appelé Madame Chonchon, qu’il promène en laisse (“Sympa votre chien ! C’est quoi comme race ?”). Alors que Mariole se confond en remerciements, le boucher lui rappelle que ce n’était qu’un échange de bons procédés : la garde du cochon et de la voiture en contrepartie de l’exécution de l’amant de sa femme. On se sépare bons amis. Reste à trouver la “planque” où Mariole a pu cacher ses dossiers et son matériel. Le tatouage de Madame Chonchon ! 43.53.31N 2.21.08 E. Pas un numéro, mais des coordonnées géographiques : “Mariole, sacré filou !”. Il retrouve sa planque, un box aménagé avec tout le confort, ses dossiers et une armurerie complète. Dans son bureau, une enveloppe kraft scellée portant un nom, Marino, le nom de sa cible probablement et, à l’intérieur, les plans d’une maison (le repère du gars ?), une photo où on distingue vaguement une silhouette et le début d’une lettre manuscrite portant juste la mention “Mariole”. Mystérieux, mais suffisant pour commencer son enquête.


Les malheurs de Mathilde

Mathilde, 35 ans, célibataire, complexée par ses quelques kilos en trop, est triste. Son père l’a toujours dévalorisée. Elle est assistante commerciale dans une compagnie d’assurances et, le soir, aide les Restos du cœur. Un soir, sur une appli de rencontres, elle clique sur un certain Boris, qui paraît bien sous tous rapports. Tient-elle enfin sa chance ? Les premiers rendez-vous se passent comme en rêve. Il est délicat, attentionné, lui donne du plaisir, lui envoie des fleurs.

 

“Boris paraît bien sous tous rapports. Il est délicat, attentionné, lui donne du plaisir, lui envoie des fleurs. Le quatrième soir, il lui demande : “Ça te dirait qu’on fasse une petite vidéo ?”

 

Le quatrième soir, il lui demande : “Ça te dirait qu’on fasse une petite vidéo ?”. Mathilde surmonte sa réticence car elle ne veut pas le perdre. Et il la filme, dans les postures les plus variées et les plus humiliantes. Le lendemain, la vidéo de Pussy Doll inonde les réseaux sociaux. Le visage de Boris est évidemment flouté. Un torrent d’injures s’abat sur Mathilde, y compris venant de ses amis et de sa famille. Elle est licenciée pour faute. Désespérée, elle s’enfuit au hasard en autostop et échoue dans une station-service près de Giverny où le pompiste la viole dans les toilettes. N’en pouvant plus, elle marche pieds nus le long de l’autoroute et s’arrête sur un pont, prête à sauter.

 

“Ce n’est pas une solution, dit une voix feutrée derrière elle. Vous allez vous faire mal.

 

- C’est l’idée… enfin… d’arrêter d’avoir mal.”

 

C’est Mariole, tenant son cochon en laisse. Le vieux la dissuade de franchir la rambarde. Il lui dit qu’il s’est perdu et que sa voiture a crevé. Mathilde, bonne fille, l’aide à réparer le pneu. Ils passent alors un marché : elle l’accompagnera pour “terminer” l’affaire Marino et il l’aidera à se venger de Boris. Le duo se lance alors dans une course-poursuite qui, sur deux fronts simultanés, les amènera aux quatre coins de la France.

Identifier Boris, le piéger par où il a péché, ruiner sa réputation de mec avec l’aide de quelques militantes, mais aussi retrouver Marino, pour autant qu’il existe, exploiter la photo floue, identifier la silhouette qui y figure, résoudre l’énigme de la lettre à peine entamée, avant de découvrir finalement que l’ancien tueur à gages n’avait pas de mission à terminer, mais simplement tout un épisode de sa vie à redécouvrir.

 

Voilà un roman plein d’humour, de surprises et de tendresse, avec pour fil rouge l’émouvante relation née du hasard entre un vieil homme et une jeune femme qui y auront trouvé, l’un une fille, l’autre un père.

 


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