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La chronique littéraire de Frédéric Thiriez : "La dernière allumette", de Marie Vareille.

Parue sur le site Le nouvel Économiste


Guérir de son enfance

“Trois sur quatre : le nombre d’enfants ayant grandi dans un foyer violent qui deviennent à leur tour violents ou victimes de violence”

 


En toute subjectivité, par Frédéric Thiriez



 



 
















Gabriel sera-t-il le quatrième ? “Est-ce que l’on peut vraiment guérir de son enfance” se demande-t-il. “Les gens comme moi, ils reviennent de l’enfance aussi détruits que s’ils revenaient de la guerre… Certains jours, les séquelles sont tellement lourdes à porter qu’on regrette de ne pas être mort au combat avec ceux qui n’en sont pas revenus.”

 

L’histoire de Gabriel et de sa petite sœur Abigaëlle commence lorsque celle-ci a sept ans et son frère dix. L’ambiance à la maison est insoutenable en raison des disputes conjugales et des violences incessantes du père sur la mère. Gabriel s’est fait un devoir de protéger avant tout sa petite sœur, car “les grands protègent les petits, c’est la loi de la jungle”. Mais la petite fille écrit dans son carnet : “Des gens savent forcément ce qui se passe chez nous. Ils savent, ils ne font rien. Dans la jungle de la vie, la vraie, les grands ne protègent pas les petits. Ils s’en foutent, les grands. Je suis seule.  Seule avec mon frère.  Pauvre, pauvre Gabriel. Qui le sauve, lui ? … Qui le protège ?”


Malédiction des enfants battus

Abigaëlle est une enfant surdouée, aimante, fragile, en adoration devant son frère,  avec lequel elle rêve de partir au Canada voir les aurores boréales. “Mais on ne peut pas laisser maman.” Leur histoire nous est contée, tour à tour, par Agigaëlle qui vit aujourd’hui chez les religieuses, sans qu’elle sache bien elle-même comment elle est arrivée là il y a 27 ans, et par le carnet intime qu’elle tenait entre 7 et 12 ans. On pressent qu’un drame s’est produit il y a plus de deux décennies, bouleversant la vie des deux enfants, mais l’explication ne nous sera donnée qu’à la fin du roman.

 

Car l’écrivaine, qui nous prend dans ses filets, adore les chausse-trapes. “Une certitude toutefois, dit Abigaëlle, mon histoire débute et se termine par un enterrement… Qui était mort, déjà ? Impossible de me le rappeler.” Était-ce sa mère, victime des coups de son mari ?

 

Et qui est cette femme battue, Madame Boisjoli, qui se rend chez son psy tous les vendredis à 17 heures ? Serait- ce Zoé, la merveilleuse jeune femme qui est devenue l’amour de la vie de Gabriel et qui porte le même patronyme ? La malédiction des enfants battus, devenus maris violents, aurait-elle frappé Gabriel ? “Personne ne peut être sauvé d’une enfance pareille”, écrivait Abigaëlle à 12 ans.

 

Habile construction du roman

Quant à la narratrice, Abigaëlle, que lui est-il arrivé pour se retrouver cloîtrée depuis plus de vingt ans ?  Là aussi, attendez les dernières pages, et vous ne serez pas déçus…

 

Entre les souvenirs d’Abigaëlle, ses carnets d’enfance et les séances de Mme Boisjoli chez son psy,  la construction du roman est d’une déroutante habileté et le suspense garanti. Les confessions de la petite fille dans son journal sont particulièrement émouvantes.

 

Comme les précédents romans de Marie Vareille (‘Désenchantées’, ‘Ainsi gèlent les bulles de savon’,  ‘La vie rêvée des chaussettes orphelines’,…), celui-ci devrait connaître un vif succès.





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