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Photo du rédacteurFrédéric Thiriez

La chronique littéraire de Frédéric Thiriez : "Et puis on aura vu la mer", de Tristan Saule

Chronique parue sur le site Le nouvel Économiste


Roman noir

Trois amies généreuses et déterminées partent à la recherche d’une jeune fille enlevée par des trafiquants d’êtres humains



 

En toute subjectivité,

par Frédéric Thiriez


 

















Sabrina n’a pas le temps de se poser des questions. Entre ses deux enfants – pas spécialement faciles – qu’elle élève seule, ses deux ex-maris dont l’un ne cesse de lui demander de l’argent et son travail d’Atsem en petite section de maternelle, elle ne chôme pas. Mais en cette année 2022, marquée par l’invasion de l’Ukraine et l’élection présidentielle en France, son quotidien va être bouleversé. En allant chercher son fils aîné à la gare, elle se porte au secours d’une jeune fille blonde, visiblement ivre ou droguée, vêtue de guenilles, qui vomit par terre. Elle a des hématomes sur le visage. Sa nature généreuse lui dicte sa conduite : “Tu vas passer la nuit au chaud et on verra ce qu’on peut faire demain”. La pauvre ne parle pas un mot de français, mais elle a un passeport ukrainien au nom d’Iryna Kravchenko. Sabrina se renseigne sur les formalités à accomplir pour la faire admettre au statut de réfugié, mais la jeune fille, visiblement terrorisée, refuse d’engager toute démarche officielle. Et les faits semblent lui donner raison : dans le quartier où tout se sait, deux hommes inconnus, à l’accent d’Europe de l’Est, recherchent activement une grande blonde aux yeux bleus… Ils offrent même de l’argent à qui donnera un renseignement. Et ce qui devait arriver arrive : le voisin de Sabrina, qui a aperçu l’Ukrainienne chez elle, vend la mèche aux “Russes” moyennant 1500 euros et, un soir où la jeune fille était sortie prendre l’air quelques minutes, elle est kidnappée et enfermée dans le coffre de la voiture des ravisseurs, qui part pour une destination inconnue.

 

Road-trip direction Nice

Nous n’en sommes qu’au début d’une aventure à rebondissements, où l’on apprend successivement qu’Iryna, fuyant l’Ukraine, avait été capturée, comme d’autres jeunes filles, par une organisation criminelle dirigée par l’implacable Olga, afin d’être livrée à la prostitution, mais avait réussi à s’évader de l’hôtel borgne où elle était retenue ; et surtout que la blonde aux yeux bleus accueillie par Sabrina n’était pas Iryna, mais une jeune fugueuse française prénommée Romane, fuyant sa famille et qui avait réussi à subtiliser le passeport de l’Ukrainienne… Les ravisseurs savent-ils qu’ils se sont trompés de personne ? Où est passée la “vraie” Iryna ? Quel sort funeste les ravisseurs réservent-ils à Romane ? Que peut-on faire ? se demande une Sabrina pleine de compassion, tandis que la police ne semble pas décidée à mettre les moyens sur une affaire aussi embrouillée. Alors elle passe à l’action : avec ses amies fidèles, Mathilde et Zineb, elle part à la recherche de la jeune fille avec les maigres pistes dont elle dispose. Ce road-trip amènera les trois femmes, plus soudées et déterminées que jamais, jusqu’à Nice, lieu de résidence présumé de la sombre Olga. On retrouvera peut-être Romane, se dit Sabrina “et puis, on aura vu la mer”.

 

Roman noir et sociétal

Mais le roman de Tristan Saule, le quatrième d’une série intitulée ‘Les chroniques de la place carrée’, ne se limite pas à la course-poursuite de trois femmes généreuses prêtes à affronter des professionnels du crime. C’est aussi le tableau d’un quartier populaire et de sa petite communauté, avec ses conflits, ses trafics, mais aussi ses efforts pour s’en sortir et ses initiatives solidaires. C’est encore la description attachante du travail des Atsem, ces agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, un métier mal connu mais indispensable. Ainsi, le roman noir, qu’affectionne l’auteur, se double d’un roman sociétal parfaitement documenté et attachant sans être moralisateur.



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